« Les mares, des laboratoires vivants où s’exprime une biodiversité fragile »
Juliette Murgier, chargée de mission au Conservatoire Botanique du Bassin Parisien et animatrice du PRA en faveur de la biodiversité végétales des mares du Grand Est. © Audrey Billon
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Publié le 8 décembre 2025
[Espèces et territoires – Les mares 2/2]
Chargée de mission au Conservatoire Botanique du Bassin Parisien et animatrice du PRA pour la biodiversité végétale des mares du Grand Est, Juliette Murgier nous plonge dans son quotidien : entre l’étude minutieuse des characées et la mobilisation des acteurs locaux, elle montre que préserver ces milieux, c’est d’abord apprendre à les regarder autrement.
« Avant de travailler sur ce Plan Régional d’Action, je connaissais très peu la flore aquatique. Les mares étaient pour moi des milieux charmants mais assez banals, et je n’imaginais pas la richesse cachée dans quelques centimètres d’eau. Avec les premiers inventaires, j’ai découvert un univers entièrement nouveau, peuplé d’espèces discrètes qu’il faut apprendre à regarder avec patience et minutie.
« Un monde miniature qui révèle toute sa richesse »
Photo sous loupe binoculaire de la Charagne vulgaire (Chara vulgaris) une espèce appartenant à la famille des Characées.
© Juliette Murgier
Parmi ces découvertes, les characées m’ont particulièrement marqué. Ces petites algues d’eau douce, auxquelles on ne prête pas d’attention si on ne sait pas qu’elles existent, révèlent à qui sait les observer un charme discret, presque secret. Leur identification demande de la rigueur : il faut parfois se pencher longuement, examiner les rameaux à la loupe binoculaire, chercher les petits organes de reproduction cachés entre les verticilles… C’est une plongée dans un monde miniature qui révèle toute sa richesse.
C’est le cas pour beaucoup d’espèces de la flore aquatique étonnamment riche. Chaque genre a ses subtilités : la forme des nectaires minuscules sur les pétales des renoncules aquatiques, la largeur et la coupe des feuilles des potamots à feuilles fines, ou encore les fruits ailés sous les rosettes flottantes des callitriches qui tapissent la surface. Ce sont des détails auxquels on ne prête pas attention au premier abord, mais qui révèlent la diversité écologique des mares. L’étude de la biodiversité et particulièrement de la botanique, fait souvent cet effet-là, se rendre compte de tous les autres êtres vivants qui nous entourent au quotidien, avec toutes ces formes, ces couleurs, ces odeurs différentes et qui se montrent à qui sait les regarder.
« Protéger non pas une seule espèce, mais tout un cortège végétal »
Les mares ne sont plus seulement de petites pièces d’eau disséminées dans le paysage, mais des laboratoires vivants où s’exprime une diversité fragile, parfois menacée. Comprendre ces végétations, c’est mieux saisir la dynamique de ces écosystèmes, mais aussi leur valeur patrimoniale. C’est ce qui rend le travail sur le PRA si passionnant : protéger non pas une seule espèce, mais tout un cortège végétal qui constitue la base de la biodiversité aquatique, servant de refuge ou de nourriture à d’autres espèces de faune. Les odonates par exemple se servent de la flore pour pondre leurs œufs, les larves les escalades avant de se figer pour que les imagos sortent de l’exuvie qui reste sur les tiges… En fouillant dans la végétation des berges, je trouve souvent ces exuvies séchées accrochées aux plantes.
Photo d’une exuvie d’une libellule du genre Anax. Une exuvie représente l’enveloppe de peau que laisse une libellule après sa mue ou sa métamorphose. © Arthur Coutin
« Un formidable support pour reconnecter le grand public à la biodiversité »
Pour moi, ce PRA a aussi pour vocation à s’inscrire dans un projet collectif, d’échanger entre naturalistes, propriétaires agricoles, gestionnaires, acteurs locaux. Chacun apporte un regard complémentaire et participe à la construction d’une connaissance partagée. Les mares, par leur petite taille et leur proximité avec les usages humains, sont des écosystèmes accessibles : elles deviennent ainsi un formidable support pour reconnecter les acteurs et le grand public à la biodiversité. Ce PRA m’invite à regarder autrement les mares de nos paysages, à m’émerveiller devant ces plantes qu’on ne remarque presque jamais, et à partager ce regard avec d’autres pour qu’ensemble nous trouvions les moyens de les préserver. »
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