Regards croisés sur les reptiles du Grand Est

Damien Aumaître (CEN Lorraine) - Alain Fizesan (Association BUFO) - Mathieu Aubry (CPIE Sud-Champagne)

Contributeur

Région Grand Est

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Publié le 10 octobre 2023


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[Espèces & territoires – Les reptiles 2/2]

Alain Fizesan, Damien Aumaître et Mathieu Aubry, tous trois animateurs du Plan Régional d’Actions (PRA) en faveur des reptiles pour la trame thermophile, partagent leurs observations de terrain et leur engagement pour ces espèces souvent mal-aimées.
De l’Alsace à la Champagne, en passant par la Lorraine, leurs récits révèlent la fragilité des milieux qu’ils parcourent et nous invitent à changer de regard sur ces reptiles essentiels à nos écosystèmes.

« Préserver le Lézard à deux raies, c’est préserver l’âme vivante de nos coteaux alsaciens »

Alain Fizesan, chargé d’études herpétologue pour l’association BUFO

« Passionné et fasciné par les reptiles depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours eu à cœur de protéger ces « mal-aimés ». J’ai la chance d’en faire mon métier, notamment au sein de l’association BUFO depuis plus d’une dizaine d’années déjà.

Dans mon cadre professionnel et personnel, j’ai arpenté bon nombre de coteaux thermophiles de notre beau vignoble pour y recenser le Lézard à deux raies, où j’ai eu la satisfaction d’y découvrir plusieurs stations.
J’aime à croire qu’aujourd’hui sa prise en compte soit quasi exhaustive dans ce PRA, preuve que toutes les données sont bel et bien utiles un jour.

Le PRA est ici un outil précieux pour rappeler que nos paysages viticoles, ponctués encore de quelques reliques de pelouses sèches, ne sont pas seulement culturels et économiques, mais constituent aussi des véritables réservoirs de biodiversité. Préserver le Lézard à deux raies, c’est préserver l’âme vivante de nos coteaux alsaciens. »

« Aujourd’hui, noter une Vipère aspic sur une pelouse, même en bon état de conservation, devient rare »

Damien Aumaître, chargé de mission au Conservatoire d’Espaces Naturels de Lorraine

« Travaillant au Conservatoire des espaces naturels de Lorraine, j’ai longtemps prospecté sur les pelouses calcaires, à la recherche d’espèces protégées, plantes ou animaux. Les reptiles étaient des espèces que l’on notait, sans recherches particulières.

Depuis une dizaine d’années, la recherche des reptiles s’est développée en même temps que leur rareté s’affirmait. Aujourd’hui, noter une Vipère aspic sur une pelouse, même en bon état de conservation, devient rare et on pourrait en dire autant du Lézard des souches qui semblait plus commun il y a quelques années. Il faut parfois plus d’une demi douzaine de passage sur un site favorable pour en observer !

À mes yeux, le PRA doit permettre de contribuer à la conservation d’une trame de pelouses calcaires et de trouver les moyens de maintenir ces espaces semi-ouverts, très riches en espèces. »

« Certaines observations font revenir l’optimisme »

« Natif de la région, je me souviens, adolescent, photographier le Lézard à deux raies dans le vignoble champenois. Aujourd’hui, je ne le retrouve plus au sein de certains sites où je me rendais 15 ans auparavant.

Étudier les reptiles, c’est découvrir des nouvelles stations mais aussi constater la disparition des habitats et des individus. Arrachage et broyage de haies, fragmentation des corridors écologiques, fermeture des pelouses, écrasements routiers, conséquences des changements climatiques rendent la vie difficile aux reptiles.

Pourtant, certaines observations font revenir l’optimisme. Je me souviens d’une scène où trois mâles Vipère aspic combattaient à côté d’une femelle rappelant que, dans les lisières, tout ce fascinant monde joue parfaitement son rôle. Ce PRA était attendu par les expert·e·s et nous tiendrons également notre rôle pour préserver ces espèces encore méconnues dont les 5 espèces cibles sont présentes naturellement en Champagne-Ardenne.

La peur des citoyen·ne·s vis-à-vis des serpents reste ancrée localement et un grand travail de sensibilisation et d’acceptation reste à entreprendre pour réapprendre à cohabiter. »


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